Hugo Paris : du double-cursus architecte-ingénieur aux sciences de l’éducation
Diplômé d’État d’architecture en 2017, Hugo Paris a suivi le double-cursus architecte-ingénieur proposé par l’ENSAL et l’INSA Lyon. En 2019, il décide de se réorienter dans le domaine des sciences de l’éducation à travers une thèse réalisée à l’INSA Lyon.
1. Bonjour Hugo, pourrais-tu nous parler de tes études ?
En 2012, j’ai intégré l’ENSAL afin de réaliser un diplôme d'architecture. Dès le départ, je me suis orienté vers le double cursus architecte-ingénieur, proposé par l’école et l’INSA Lyon.
J’ai fait le choix du double-cursus avec l’idée en tête que les études d’ingénieur seraient complémentaires à celles en architecture. Sur les trois écoles proposées pour ce parcours (ENTPE, INSA Lyon et ECL), l’INSA s’est avéré être l’école qui me convenait le mieux d’un point de vue pratique et technique.
Après un stage de licence réussi dans une agence d’architecture et d’urbanisme et une première année de master tournée vers le patrimoine, j’ai poursuivi mes études dans le domaine d’études de master ALT.
Avant ma diplomation en 2017, j’ai également eu l’opportunité d’effectuer un stage de recherche au sein du laboratoire de recherche CRH LAVUE à l'ENSA Paris Val-de-Seine. J’y ai mené des recherches sur la gentrification, à travers la cartographie et les statistiques. L’idée était de montrer les évolutions démographiques de certains quartiers étudiés d’après les données de l’INSEE.
2. Peux-tu nous en dire plus sur le double cursus ?
Au début de ma formation en architecture, je me souviens de cette impression de « plongée dans le grand bain ». C’est un peu brutal parfois mais cela permet de développer une vraie autonomie, et ça fait partie du processus créatif.
Quand je suis arrivé en école d’ingénieur, j’ai eu besoin de m’adapter à un nouveau rythme, différente de celle du cursus architectural. En architecture, on travaille davantage de manière cyclique, autour de projets, avec une montée en intensité. Cette temporalité de travail est assez représentative du monde du travail dans le domaine. En comparaison en ingénierie, le rythme est plus régulier, plus linéaire.
J’ai également fait face à un saut culturel entre les deux disciplines. C’est aussi ce qui fait la richesse du double cursus : apprendre à jongler entre deux logiques, deux manières de penser, deux manières d’apprendre. Une fois les deux approches croisées, on en sort enrichi, capable de mieux dialoguer entre les mondes. Cet aspect-là m’a beaucoup nourri, notamment dans les sciences sociales qui sont au centre de mon travail.
3. Peux-tu nous dire quelques mots sur ton Projet de fin d’études – PFE ?
Pour mon projet de fin d’études, j’ai travaillé avec deux autres étudiants en double cursus, Jules Cadiergue et Théo Padovani, qui étaient à l’ENTPE et de l’ECL.
On a choisi de s’investir dans un projet urbain alternatif, en lien avec un collectif d’habitants revendiquant une autre transformation du quartier de la Part-Dieu, à Lyon. L’objectif était de partir de réflexions d’habitants déjà engagés pour concrétiser leurs propositions sous la forme d’un projet urbain.
La démarche a été très formatrice. Ce qui est gratifiant, c’est de voir que certaines des propositions issues de notre travail avec le collectif ont été reprises dans les réflexions autour du quartier. Notamment les espaces verts devant la bibliothèque : des éléments qu’on avait abordés dans le cadre du PFE et qui se retrouvent aujourd’hui dans les aménagements réels.
Jusqu’en 2019, j’ai continué à suivre le collectif Part-Dieu. Ce prolongement du projet dans la réalité m’a beaucoup marqué. C’était une manière de rester engagé, au-delà du cadre académique, dans une transformation urbaine concrète.
4. Après tes études, tu as décidé d’entamer une réorientation en sciences de l’éducation dans le cadre de ta thèse. Peux-tu nous parler de ton choix et de ton sujet ?
Après mon diplôme, je me suis réorienté vers un doctorat en sciences de l’éducation. C’est l’héritier de mon mémoire de master en architecture, qui portait déjà sur la pédagogie de la conception entre l’INSA et l’ENSAL. À travers ce travail, je m’étais intéressé aux différences entre les deux approches pédagogiques, et à la manière dont les étudiantes et étudiants étaient formés à concevoir, à penser des projets.
En 2020, l’INSA Lyon cherchait à documenter l’évolution de sa formation, notamment dans l'intégration des questions écologiques. C’est ce qui a donné naissance à mon sujet de thèse : comment accompagner les enseignants en école d’ingénieur à intégrer les enjeux écologiques dans leurs enseignements ?
J’ai donc mené cette thèse de recherche-action. Il ne s’agissait pas seulement d’observer ou d’analyser, mais de co-construire un nouvel enseignement avec les enseignantes et enseignants, de tester des outils pédagogiques, d’expérimenter.
J’ai soutenu ma thèse en juillet 2024. Ce parcours doctoral m’a ouvert d’autres perspectives, à la fois dans le champ de l’éducation, de la transition écologique et du conseil pédagogique. Ce doctorat m’a permis de relier mes expériences, de faire dialoguer mes compétences d’architecte et d’ingénieur avec les enjeux éducatifs de demain.
5. Qu’as-tu fait à la sortie de l’école ? Que fais-tu aujourd’hui ?
Après mon diplôme, j’ai choisi de faire une année de service civique, en partenariat avec l’Université de Lyon et l’INSA. C’était une année de transition entre le master et la thèse, mais aussi une manière de rester engagé dans les dynamiques étudiantes que j’avais participé à initier. Pendant cette année (2019-2020), je me suis plongé dans la notion d’éducation populaire, en accompagnant des initiatives étudiantes autour des questions environnementales.
Ce service civique m’a permis de prendre du recul, d’observer comment le sujet commençait à émerger dans les écoles d’ingénieur, en particulier à l’INSA Lyon. C’est dans ce contexte que l’idée de faire une thèse a pris forme, en lien direct avec cette transformation en cours.
Aujourd’hui, je viens de finir mon contrat, en tant qu’ingénieur de recherche à l’INSA Lyon. C’est une prolongation directe de ma thèse. Je travaille sur un projet monté avec l’ambassade de France en Tunisie, autour de la formation des enseignants à l’intégration des enjeux socio-écologiques. Ce poste me permet de rester dans une dynamique très concrète, proche du terrain et de continuer à développer des outils pédagogiques adaptés.
Aujourd’hui, je me rapproche plutôt du conseil pédagogique, et c’est cette voie-là qui m’anime le plus. Ce qui me pousse, c’est cette idée que l’enseignement supérieur, et en particulier les écoles d’ingénieur, doit évoluer pour intégrer pleinement les enjeux écologiques.
6. Pour finir, qu’est-ce que l’architecture t’inspire ? Comment la définis-tu et quelle est ta vision de l’architecte?
Je me souviens de cette phrase que prononçait régulièrement, Gilles Desèvedavy, notre responsable du Domaine d’études de master Architecture latérales théorisées - DEM ALT : L’« architecture est une expression de la culture ». C'est la rencontre de plusieurs cultures, un pot commun foisonnant, un ancrage historique. On pioche beaucoup dans les styles et les cultures.
En tant qu’architecte, on a une certaine responsabilité et une vision plus globale sur les projets dont on a la charge (juridique, gestion du projet, etc.). L’ingénieur, lui, a une approche et une pratique plus segmentée dans un projet. Comme je disais plus tôt, avoir fait le double cursus architecte-ingénieur, m’a amené à prendre conscience que l'architecture était un sujet politique, à connaître les rôles de chacun et à appréhender les projets à travers ces deux regards.
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