Nous tirons le portrait de Clément Chapuis, diplômé ADE en 2015 et HMONP en 2021. Il travaille actuellement chez Patriarche au Bourget-du-Lac.
Bonjour Clément, comment étaient vos années d’études ?
Mes années d'études ont été un vrai tournant dans ma vie. C'est le moment où l'on prend son envol mais aussi l'âge où l'on commence à prendre des responsabilités. A l'ENSAL J'ai rencontré des amis, des futurs collègues, j'ai vécu de nouvelles expériences, tant dans ma vie personnelle que dans l'apprentissage de l'architecture. Je dirais que cesannées d'études ont été très enrichissantes et qu'au delà de m'apporter une formation, elles m'ont permis de grandir et d'en apprendre autant sur l'architecture que sur moi-même.
Ce sont malgré tout des années exigeantes, qui m'ont demandé de l'investissement, du temps, de l'énergie et quelque fois peu d'heures de sommeil. Les études d'architecture ne sont pas de tout repos mais sont aussi très différentes du cadre scolaire habituel. Je n'ai personnellement jamais apprécié le système scolaire de la primaire au lycée. L'école d'architecture était pour moi une nouvelle façon d'apprendre, par la pratique (dessiner à la main, concevoir des projets, matérialiser des idées, apprendre à les représenter et à les réaliser en maquettes). Mes années d'études ont donc été intenses mais également formatrices, enrichissantes et introspectives.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience à l’UQAM ?
Je garde un souvenir unique de mon expérience à l'UQAM. Cette année d'échange international m'a permis d'appréhender une autre manière de travailler et d'enseigner. La relation
qu'entretiennent les québécois entre enseignants et étudiants est notamment très différente de celle des français. Elle est plus accessible, plus libre dans les échanges et surtout plus positive. Cette année m'a permis d'élargir mes horizons, de sortir de ma zone de confort. Ça a été comme une parenthèse dans ma vie. J'ai pu étudier le design d'objet pendant un an et j'ai tellement apprécié ce domaine que je l'ai poursuivi durant toute mon année d'échange. Je pense que cette expérience m'a apporté plus de confiance en moi et dans mes projets, aussi bien professionnels à venir que personnels. A l'UQAM les étudiants sont vraiment accompagnés dans leurs travaux et leurs projets. L'enseignement est enthousiaste et motivant pour les étudiants. Tout semble possible à compter du moment où l'on s'investit et cela restera une source d'inspiration pour moi.
En 2021, vous avez effectué votre HMONP. Pouvez-vous nous en dire plus ?
La HMONP est une formation qui me semble indispensable et qui rentre dans la même logique que d'autres métiers libéraux comme les médecins ou les avocats. C'est une formation enrichissante du point de vue théorique. Les professionnels et les sujets abordés sont intéressants mais le cadre ne me semble cependant pas adapté et je trouve cela dommage. Les sujets de mémoire sont extrêmement variés, puisque l'architecture est un domaine complexe et particulièrement varié. Cependant les attentes en ce qui concerne la présentation du mémoire sont très floues et j'ai parfois l'impression qu'il s'agit seulement de présenter un exercice scolaire dans le but de valider un niveau d'étude et cela, de manière assez aléatoire. Bien que les ENSA fassent en sorte de faire évoluer cette formation, je pense qu'il y a encore de gros efforts à faire et que ce diplôme ne répond pas à la manière de travailler qui nous est inculquée pendant nos cinq années d'étude.
Pourquoi l’avoir fait 6 ans après votre diplôme et non directement après ?
J'ai réfléchi dès l'obtention de mon master à l'optique de passer mon HMONP. J'ai failli m'inscrire l'année suivante mais j'ai toujours eu en tête de vouloir gagner en expérience avant de réaliser cette formation. Après trois années d'expérience dans diverses agences d'architecture j'ai fait le choix de m'inscrire en 2018. Je ne souhaitais pas attendre trop longtemps par peur de ne plus avoir la motivation pour retourner sur les bancs de l'école. Je ne voulais pas non plus le faire trop rapidement pour être capable d'appréhender les sujets en lien avec la HMONP. Et je ne regrette pas mon choix. De plus, j'ai mis deux ans à la valider. J'ai passé la partie théorique en 2019 et j'ai ensuite voulu prendre le temps de rédiger mon mémoire. J'avais déjà le sujet des stations de sports d'hiver qui me tenait à cœur depuis ma Licence 3. De plus je travaille dans une agence spécialisée sur les projets de montagne, il était donc pour moi logique de le poursuivre ce thème. Le contexte de la pandémie de Covid rendait le sujet d'autant plus pertinent et le confinement m'a offert l'opportunité de me concentrer sur la rédaction de ce mémoire que j'ai, de ce fait, présenté début 2021.
Pour vous, quelles sont les particularités du métier d’architecte ?
Selon moi, les particularités du métier d'architecte sont les suivantes :
- Le rythme de travail : La conception et la réalisation de bâtiments suit des phases plus ou moins précises selon que l'on travail pour des clients privés ou public et il en découle des temporalités de travail plus ou moins longues et plus ou moins denses. Il faut être conscient que le rythme de travail n'est pas régulier. Certaines périodes sont extrêmement chargées et d'autres beaucoup moins. Certains projets peuvent être abandonnés et il peut être parfois frustrant de travailler des mois entiers sur des projets qui ne verront jamais le jour. De la même façon les différentes phases d'études d'un projet nécessitent de reprendre et de modifier sens cesse les projets. Cela donne parfois l'impression de perdre son temps mais l'architecture est avant tout un processus. Un projet n'est jamais complètement terminé et pourrait toujours être amélioré mais il faut savoir se limiter et respecter les nombreuses contraintes.
- Les responsabilités et la résistance au stress que cela implique. De nombreux enjeux découle du travail de l'architecte. Le bâtiment impose des budgets, des temps d'études et de réalisation et l'architecte est lié à des équipes de bureaux d'étude (ingénieurs, économistes etc.) ainsi que des entreprises pour la construction. On dit souvent que l'architecte est un chef d'orchestre, il doit coordonner, compiler et organiser les informations. Cela demande beaucoup de méthodologie et d'organisation.
- La reconnaissance : Bien que dans l'imaginaire collectif, l'architecte soit placé comme faisant un métier bien représenté et bien rémunéré, la réalité est parfois bien moins agréable. Il faut savoir que la travail de l'architecte est parfois difficile à quantifier et à justifier auprès des clients, qui ne sont pas toujours reconnaissants de l'implication réelle que cela représente. Heureusement ce n'est pas toujours le cas et on trouve aussi beaucoup d'échanges et d'interactions avec les équipes de professionnels avec qui l'on travaille. La réalité du métier ne se limite par à faire de beaux croquis et dessiner des projets de magazines. Il faut savoir être humble et savoir que l'on travaille souvent dans l'ombre, notamment lorsque l'on est salarié d'une agence d'architecture et que l'on travail au nom d'un architecte et non pas à son nom propre. D'où ma motivation également à avoir réalisé ma HMONP si je souhaite un jour exercer en mon nom.
- La remise en question : Selon moi être un bon architecte nécessite également de savoir se remettre en questions, apprendre de ses erreurs. On est obligé de se tromper, d'apprendre et de recommencer sans cesse. C'est un métier dans lequel il est surement primordial de savoir se réinventer, se questionner. C'est ce qui fait l'intérêt du métier. Chaque projet est différent et c'est ce qui est stimulant. Cependant il est également facile de tomber dans la facilité et de reproduire les mêmes schémas à chaque projet ou de ne travailler que sur un seul type de bâtiment (maison, hôtellerie, hospitalier, tertiaire etc.). Il est difficile pour un architecte de développer des projets diversifiés bien que selon moi ce soit aussi l'intérêt de ce métier qui peut être parfois très captivant comme parfois démotivant.
Que faites-vous aujourd’hui concrètement, quels sont les projets qui vous ont le plus marqué ?
Aujourd'hui je travaille pour l'agence Studio-Arch en Savoie. Nous développons principalement des projets touristiques en montagne (hôtels, résidences de tourismes, logements, équipements publics etc.). Je développe des projets en tant que chef de projet de l'esquisse jusqu'au suivi architectural. L'envergure des projets ne nous permet pas de réaliser des missions de suivi de chantiers complètes puisque ce serait un travail à temps plein. Je conçois les projets depuis leur esquisse, réalise les plans, les documents de présentation. Je participe aux réunions avec les clients ainsi que les bureaux d'études pour les phases de conception du projet. Je réalise des permis de construire, organise des réunions avec les municipalités et les clients. Je réalise les permis de construire avec l'ensemble des documents administratifs nécessaires. Cela demande beaucoup d'aller/retours avec de nombreux interlocuteurs et un nombre important d'ajustements. De plus ces échanges se font autant avec les interlocuteurs et clients extérieurs qu'avec l'équipe interne à l'agence (travail d'équipe, compte-rendu au dirigeants de l'agence etc.). Une fois le permis de construire accepté, nous réalisons les plans PRO ayant pour but la consultation des entreprises. Ce sont donc les plans qui vont servir à la construction du bâtiment. C'est à ce moment que l'architecte joue principalement son rôle de chef d'orchestre en coordonnant les plans de touts les bureaux d'études (structure, fluides, bureau de contrôle etc.) puis de toutes les entreprises en veillant à ce que tout concorde et que le projet respecte au mieux ce qui a été dessiné au permis de construire.
Le projet qui m'aura certainement le plus marqué sera celui du Club Med de Val d'Isère. C'est un immense projet de rénovation et d'extension sur lequel j'ai travaillé pendant presque 4 ans et sur lequel je suis devenu chef de projet. Il s'agit de plus de 20 000 m², avec la construction de deux bâtiments et la rénovation complète du bâtiment existant. Ce projet, de part sa complexité et sa longévité a été à la fois éprouvant pour moi mais également une fierté et une expérience professionnelle très enrichissante.
Être architecte c’est être … ?
Pour moi être architecte, c'est être humble, vif, attentif, observateur, patient et sociable. Être architecte, nécessite d'avoir de nombreux échanges et beaucoup de relationnel. Ce n'est pas un métier social comme peut l'être celui d'infirmier, d'assistante sociale ou de psychologue mais il demande beaucoup d'échanges. Il faut savoir s'exprimer, expliquer et se faire comprendre de tous, tout en sachant défendre des idées et se faire respecter.
Un conseil à donner aux jeunes, et moins jeunes, qui cherchent leur chemin ?
Quand j'ai débuté ce métier je ne savais pas ce dont j'avais envie. Je me suis alors dit qu'il fallait que j'ai plusieurs expériences, que je tente des choses différentes. Il existe beaucoup de manières de faire de l'architecture et je conseillerais aux jeunes architectes de tester plusieurs expériences tant qu'ils n'ont pas d'attache, pas de famille à nourrir ou de prêt à rembourser. Le métier peut être exercé de manières différentes, que ce soit par la taille de l'agence, sa philosophie, les projets qu'elle aborde. Mon conseil premier serait d'apprendre à se connaitre, chercher à savoir qu'elles sont nos forces et nos défauts. Tout le monde en a et selon moi la meilleur façon de travailler est de combiner des compétences diverses. Il faut savoir s'entourer de personnes qui sont complémentaires et apprendre à reconnaitre les atouts de chacun pour travailler avec des équipes qui nous permettent d'avancer et de se sentir utile dans notre métier tous les jours.
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